17.1.14

Quel engagement pour l'Inde en Afghanistan?

L'actualité de cette semaine est tout d'abord marquée par l'activisme de l'Inde en faveur de l'Afghanistan, sur la scène régionale, mais également par la nomination d'une femme au poste de commissaire de police à Kaboul, signal positif pour l'intégration de celles-ci dans cette institution. Enfin, un dernier symbole de la lutte contre les Taliban est la restauration des objets antiques du musée de Kaboul, qu'ils avaient détruit peu avant la chute du régime en mars 2001.


Réunion du Groupe International de Contact pour l'Afghanistan et le Pakistan à New-Delhi -
Jeudi s'est tenue à New-Dehli larencontre du Groupe International de Contact pour l'Afghanistan et le Pakistan (International Contact Group for Afghanistan and Pakistan, ICG), le principal forum portant sur la coordination politique relative à l'effort international pour la paix et la stabilité en Afghanistan et dans sa région, réunissant 53 pays.
À sa suite, les représentant des pays participant à Cœur de l'Asie (Heart of Asia) - une branche du processus d'Istanbul dont le but est d'établir la paix et la prospérité dans la région grâce à un environnement régional stable et une économie intégrée - doivent se rencontrer dans la capitale indienne ce vendredi 17 janvier. Ces deux événements internationaux permettent de mettre en avant la question de l'engagement indien en Afghanistan.
Salman Khurshid alors
qu'il  s'adresse au ICG
LeICG a permis à Laurel Miller, la représentante spéciale des États-Unis pour le Pakistan et l'Afghanistan, de rappeler la nécessité d'une signature rapide de l'accord bilatéral de sécurité, à propos duquel Michel Koch, le représentant spécial de l'Allemagne pour l'Afghanistan et président du ICG, a ajouté que sa propre signature faciliterait un accord similaire entre le gouvernement afghan et l'OTAN. Les membres du groupe se sont félicités des progrès du gouvernement afghan dans la préparation de la prochaine élection présidentielle, pour l'organisation de laquelle laNorvège a alloué des fonds, ce qu'elle définit comme une priorité pour son action sur place. Dans le même temps, les premiersobservateurs internationaux arrivent sur le territoire afghan. Salman Khurshid, le ministre indien des Affaires Étrangères, a réaffirmé le soutien de l'Inde au processus de paix en Afghanistan et a enjoint la communauté internationale à maintenir son engagement, rejetant toute option de sortie du pays.

Rencontre des services de renseignements indiens et américains au sujet de la sécurité en Afghanistan -
Au-delà de ces deux forums, la délégation indienne doit rencontrer le Directeur desRenseignements Nationaux (DNI) pour discuter du futur de l'Afghanistan. Cette rencontre aura lieu malgré le refroidissementdes relations entre New Delhi et Washington, après l'arrestation du diplomate indien Devjani Khobragade en décembre. Selon, un officiel indien, il s'agit là de la dernière phase en date d'une série de rencontres entre les agences de renseignements des deux pays.

Dialogue trilatérale entre la Chine, la Russie et l'Inde sur l'Afghanistan -
Actives sur tous les fronts, les autorités indiennes rencontrent également vendredi, à Pékin, les délégations russes et chinoises dans le cadre des discussions trilatérales sur la situation sécuritaire en Afghanistan, qui ont lentement vu le jour en 2013. Lecommuniqué de la dernière rencontre à Delhi, en novembre 2013, se résumait à un langage diplomatique bien connu sur la nécessité d'un processus de paix mené par les afghans, la nécessite d'un soutien régional et international aux forces de sécurité afghanes et, de manière plus intéressante, sur la contribution nécessaire des institutions multilatérales régionales (l'Organisation de Shanghai, l'Association de Coopération Régionale d'Asie du Sud ou l'Organisation du Traité de Sécurité Collective) aux efforts de reconstruction. Cette nouvelle réunion envoie des signaux positifs quant à la coopération des trois pays sur le dossier afghan. Sa tenue à Pékin semble aller dans le sens d'une volonté de coopération de la part des autorités chinoises. Toutefois, les relations entre ces trois parties restent complexes. Les échanges entre New Delhi et Pékin ont une histoire chargée et il existe toujours entre les deux capitales des différents frontaliers issus de la guerre de 1962. De plus, il s'agit pour la Chine d'équilibrer ses relations avec l'Inde et avec le Pakistan, son allié de longue date, ce qui complique la possibilité de discuter du contre-terrorisme. Même si Pékin et New Delhi ont tous deux d'importants intérêts en Afghanistan, où ils ont investis respectivement 3 milliards et 2 milliards de dollars, la coopération entre ces deux acteurs n'est pas garantie.

Quelle constance pour la politique indienne en Afghanistan ? -
Traditionnellement, l'Inde et l'Afghanistan ont entretenu de bonnes relations et, depuis 2001, New Delhi s'est activement engagé en Afghanistan, avec le développement de programmes d'assistance et de développement. Ainsi, l'Inde est devenu le cinquième donateur bilatéral pour l'Afghanistan et s'est également lancé dans des grands projets d'infrastructures. Cependant, pour Harsh V. Pant, chercheur au département des études de Défense au King's College de Londres, la politique afghane de l'Inde reste « désordonnée ». Selon lui, le débat sur l'action indienne fait rage depuis des années mais aucune réponse cohérente n'a été apportée au niveau national. Ainsi, malgré la signature d'un accord de partenariat stratégique et la promesse d’accroître son rôle dans le secteur de la sécurité, l'Inde a, dans le même temps, tenté de réduire sa présence économique dans le pays après y avoir pourtant fait d'importants investissements. Selon Harsh V. Pant, ces atermoiements nuisent à la crédibilité de l'Inde et à son rôle de pôle régional de sécurité.

La première commissaire de police en Afghanistan -
Colonel Djamila Bayaz |
 Credit S. Sabawoon / EPA
Alors que ces différents forums internationaux évoquent la sécurité en Afghanistan et l'avenir, une femme, le colonel Djamila Bayaz, 50 ans, 25 ans d'expérience dans la police, vient d'être nommée commissaire de police à Kaboul.
99 % des policiers afghans sont des hommes, seules 1 700 femmes y ont une place, on reste donc encore loin de l'objectif de 5 000 auxiliaires féminins voulu par les Nations Unies et Hamid Karzai.
Grâce à cette nomination, le colonel Djamila Bayaz espère encourager plus de femmes à rejoindre la police, comme elle l'a déclaré à Tolo News. Selon Elizabeth Cameron, d'Oxfam, il s'agit d'un « signal fort » vers plus de recrutements de femmes, ce qui pourrait aider les nombreuses victimes d'abus. En effet, il est aujourd'hui difficile pour ces dernières d'obtenir justice face à un corps de police composé à 99 % d'hommes et face à la culture d'impunité qui prévaut souvent pour les violences faites aux femmes. Celles-ci sont très largement répandues et n'épargnent pas non plus les femmes de pouvoir. Noorzia Atmar, première femme député du pays et symbole de l'avancée des droits des femmes, en est un exemple. Elle a du fuir le pays pour échapper à son ex-mari violent. Elle dénonce aujourd'hui l'absence de respect pour les femmes en Afghanistan, mais aussi les difficultés d'obtention du droit d'asile, particulièrement pour des femmes seules victimes de violences domestiques.
Toutefois de nombreuses activistes continuent de se battre pour leurs droits et refusent d'être réduites au silence. C'est le cas, par exemple, de Roya Mahboob, qui a créé Women's Annex, un site Internet qui permet aux femmes de monter et poster des films, ou de bloguer depuis chez elles.  Les revenus tirés de la publicité est reversé aux créatrices de contenu. L'objectif du site est de rendre les afghanes plus visibles sur la toile, en leur offrant un espace d'expression qui contrebalance leur "invisibilité dans la société".
Fereshta Kazemi, quant à elle, brise ouvertement les tabous dans le film The Icy Sun, où elle met en scène la réaction d'une femme juste après un viol. Les nouveaux moyens de communication, le cinéma, sont donc des chemins pour toutes les Afghanes qui souhaitent résister à la violence et à l'oppression.

Restauration de la collection du musée de Kaboul -

Statut de Bouddha | Credit: Massoud Hossaini
/AFP/Getty Images
Enfin, un autre symbole de la résilience afghane est la restauration des antiquités du musée de Kaboul, détruites en mars 2001 par les Taliban, en même temps que les statues des Bouddhas de Bamyian.
300 des 2 500 objets détruits à l'époque ont aujourd'hui été reconstitués, grâce, notamment, à la coopération entre les restaurateurs afghans et les universitaires français.
De plus, le gouvernement afghan, comme les autorités internationales, par exemple l'UNESCO et Interpol, se sont également mobilisés pour mettre fin au vol des artefacts afghans et permettre le retour des objets dérobés. Ainsi, 11 000 objets ont retrouvé leur place en Afghanistan. Les collections du musée de Kaboul sont donc aujourd'hui lentement reconstituées et révèlent tous leurs trésors, grâce au travail de recensement et de référencement entrepris par des archéologues de l'université de Chicago. Il manque aujourd'hui à ce musée un nouveau bâtiment pour pouvoir exposer et protéger les témoignages de la riche histoire afghane.